Alberto Moravia : Agostino

Flammarion (1944)

#LaBouquinerie du centre (Angers)

Agostino était en solde ! Je ne l’ai su qu’au moment de payer. On dit que les livres sont chers, voilà un exemple qui prouve le contraire, pour 1€50 j’ai eu du plaisir pendant deux soirées. Moravia, il y avait quatre de ses livres sur l’étagère, j’en ai pris deux. J’ignorais que j’allais apprécier ce classique de la littérature italienne (les préjugés ont la vie dure). Agostino a 13 ans et passe des vacances en compagnie de sa mère jeune et veuve au bord de la mer. L’enfant est très attaché à sa mère, un lien jaloux (incestueux ?) qui, lorsque celle-ci tombe sous le charme d’un homme de son âge, se défait dans la douleur. Comment écrire l’enfance et la seconde coupure du cordon ombilical ? Moravia procède par touches, par des approches successives tant au niveau de l’action que dans la psychologie de l’enfant. Venant de lire un auteur américain, la manière de mener l’intrigue me semble à l’opposé et beaucoup plus subjective. Est-ce la marque des auteurs européens de l’époque ? Il y a des écrivains américains qui sont restés « européens » ou du moins qui n’ont pas rejeté l’introspection.

Récit initiatique, Agostino gosse de riche solitaire, va à la rencontre des gamins du port et s’aperçoit vite qu’il ne vit pas dans le même monde. On le boxe, on le charrie, on en profite mais rien n’y fait, la révolte est un moteur puissant. En peu de temps il tente de devenir adulte par réaction à la découverte de la féminité de sa mère. Il se frotte au monde extérieur et à ses vicissitudes mais ça ne suffira pas pour en acquérir les codes.

Moravia maintient la mère dans un rôle secondaire, une belle plante qui refleurit et ne s’occupe plus de la déchirure qui dévore sous fils sous ses yeux. L’auteur analyse le comportement d’Agostino en expert, presque en psychanalyste, attribuant à l’enfant la possibilité de questionner et de répondre en même temps à ses préoccupations. J’ai lu le livre avec en mémoire la biographie de Moravia et je me suis dit qu’il était un peu cet Agostino.  

J.E.