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 (c) catevrard

 

Vendredi 28 mars 1941, Mercredi 23 octobre 2019

Sur la colline, Maison Jules Roy

 

Le journal est clos. Virginia n’est plus.

 

A qui écrire mon centième jour ?

Aux pensées que Virginia a eues en marchant vers l’eau ?

A Léonard lisant sa dernière lettre ? Aux rhododendrons qu’il taillait ?

A la rivière Ouse ?

A la maison de Rodmell ? A l’orme qui abrite ses cendres ?

Aux sentiers des collines d’Asheham ?

Aux robes qu’elle n’achètera plus ?

Aux livres qu’elle n’aura pas lus, pas écrits, pas édités ?

Aux éditions Stock qui rééditent le journal ?

A sa sœur Nessa ou l’amie Vita ?

Aux pierres de ses poches ?

A la canne échouée sur la berge ?

Au banc de Russell Square ?

Au verre de lait ? Aux parties de boules ?

A Jules Roy qui n’a pas d’exemplaires de Virginia dans sa bibliothèque ?

Aux fidèles des Cent jours sur le net ?

Aux prochains lecteurs de Virginia qui auront envie d’ajouter des jours aux miens ?

A mes deux woolfiennes, celle qui met en ligne, celle qui dessine ?

 

Ce matin, je marche sur le bord de La Cure, ce n’est pas l’Ouse, mais presque : Ouse, était autrefois nommée Ure, à une consonne prêt, j’y suis. Le nom de Cure, au pied de la lettre, évoque des vertus curatives mais Virginia n’aurait pas aimé cette mièvrerie. Elle préférerait les champignons vénéneux trouvés en chemin qui ajouteraient du piment à la sauce de l’au revoir. L’hommage à son venin serait plus juste mais, lâchement, je renonce au poison.

  Virginia est partie au printemps, je la quitte à l’automne. Ce moment où la nature dévoile les lueurs des choses mourantes. Ainsi, Virginia continue de vibrer. Elle qui a fait feu de tout bois pour écrire continue d’infuser et pas comme une tiède tisane !

  « Quand je périrai, ce sera avec tous mes pavillons déployés » a-t-elle écrit sur l’avant dernière page de son journal. Je le lis comme l’ultime coup de pied aux fesses qu’elle me donne : ne perds aucune goutte de vie ! Virginia est un alcool fort ! Au printemps prochain, l’humus des Cent jours aura infusé, je guetterai les pousses nouvelles.

Marcelline Roux