Furet

Clara Regy

Editions Henry

 

 

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En cinquante poèmes, Clara Regy arpente le territoire d’une enfance passée à la campagne. Deux ou trois détails posent le décor et ses personnages : nattes, socquettes, sandales, sarrau, vipères, brouette. Mais l’histoire, loin du « qu’ils étaient doux les jours de mon enfance » de Nerval, n’est pas un idyllique album de souvenirs.

 

Chaque page saisit un bref moment de vie, qui semble figé sous le regard et mis à distance. Stupeur. Le temps n’y passe pas. Le lecteur a le sentiment de feuilleter d’anciennes photos, à la fois familières – chacun y retrouvera des éléments connus – et étrangères. Cette étrangeté surtout, est marquante. Les scènes présentées, dont certains éléments reviennent régulièrement, sont souvent cruelles. La mort est omniprésente dans ce recueil, celle des animaux qu’on retrouvera plus tard dans son assiette, celle des hommes aussi. Des frayeurs (le bruit des rats, une vache qui met bas, le sang), des zones d’ombre. Une vieille femme qui perd la tête. Et ces vingt hectares, qui sont l’espace de la fillette de huit ans. A son échelle, le domaine est immense et inquiétant : « vingt hectare de mort », « vingt hectares de douleurs », vingt hectares de cruauté ». Ils sont aussi et surtout  « notre distance », et il se lit ici non une surface de jeu et de liberté, mais une séparation, un lieu infranchissable.  Entre les lignes, la solitude : ni frères ni sœurs ni camarades dans ces pages, mais une mère absente.

 

C’est donc un texte douloureux que nous livre Clara Regy. L’enfant fait l’expérience de la cruauté, qui n’est pas un apprentissage mais une douleur qui marque.  On devine que l’adulte n’en a pas terminé avec ses blessures. Dans sa préface, Sylvestre Clancier rappelle qu’à la campagne, le furet servait à chasser les rongeurs. C’est aussi un outil de plomberie qui permet de traquer les bouchons obturant les canalisations. Les sanglots coincés dans la gorge.

 

L’écriture est brève, concise, tranchante. Effet accentué par la disposition des poèmes en colonnes étroites, parfois un seul mot sur la ligne, qui évoquent échelles, tours. Ou puits dans lesquels le lecteur descendrait avec l’écrivain.

 

le couteau aiguisé

luit étrangement

et creuse

un collier liquide

le cochon

coule

dans un seau

je pleure

 

Le recueil Furet a obtenu le prix des Trouvères 2015.

 

Frédérique Germanaud juillet 2016