Ma Femme de ta vie
Carla Guelfenbein
Actes Sud (coll. BABEL)
Cette année, parmi les roses et les dahlias, on a vu fleurir les boîtes à livres dans les jardins publics. Elles ont forme de petite maison à toit pentu et façade vitrée. Chacun est libre d’y déposer ou d’y retirer les livres de son choix, d’user de ces lieux généreusement, sur un principe d’échange et de partage. Elles sont destinées aux flâneurs, marcheurs, lecteurs de plein air et curieux. Autant dire faites pour moi. A proximité de celle du jardin des plantes se trouve un micro potager où l’on peut cueillir herbes aromatiques et tomates cerises plantées par les enfants de l’école voisine.
Dans cette bulle préservée de l’esprit mercantile, j’ai trouvé et emporté, guidée par la quatrième de couverture et la confiance dans l’éditeur Actes Sud, ce roman intitulé Ma Femme de ta vie. L’auteure, Carla Guelfenbein, est chilienne. Exilée à Londres pendant onze ans, elle est ensuite retournée vivre dans son pays d’origine.
Le personnage principal du roman suit ce même parcours d’exil et de retour. Carla Guelfenbein nous raconte l’histoire d’Antonio, chilien, dont la famille s’est installée en Angleterre pour des raisons politiques après l’arrivée au pouvoir de Pinochet. Le texte s’organise autour de deux moments clés : la période où, étudiant en Sciences Politiques à Essex, Antonio rêve de retourner dans son pays et de participer à sa libération. Il rencontre alors le narrateur, Théo, qui jouera un rôle crucial dans son destin, et une jeune femme, Clara, qui tiendra dans son journal la chronique de ces jours exaltés et de leur trio amoureux. Jusqu’à sa rupture. Encadrant ces jours qui se déroulent en 1986, nous suivons les retrouvailles de Théo, d’Antonio et de Clara au Chili, dans un chalet au bord d’un lac, quinze ans plus tard. C’est là que l’histoire se dénouera, tragiquement.
L’auteure explore avec talent les jeux de l’amitié et de l’amour, la frontière poreuse entre ces sentiments, la quête de chaque personnage inextricablement liée avec l’histoire politique, personnelle et familiale, et ce que le temps fait des idéaux. La question du choix y est également centrale. Nombreux sont les fils qui se nouent et dénouent dans cette narration au rythme soutenu.
Belle surprise donc que ce roman, paru en 2007. Je remercie celui ou celle qui, en ce mois de septembre 2015, déposa La Femme de ta vie dans la boîte à livres du jardin des plantes, et invite tous les flâneurs, les arpenteurs urbains et lecteurs curieux à faire vivre ces petites bibliothèques de plein air.
Frédérique Germanaud