Comment fait-on l’amour pendant la guerre

Cathie Barreau

Editions Buchet-Chastel

 

Le livre de Cathie Barreau s’ouvre par cette figure prologue :  JMG Le Clézio descendant la rue Syria, à Beyrouth le 27 octobre 2009 à 10h30. Elle reviendra à plusieurs reprises, comme une apparition lumineuse et paisible.

Jad est journaliste libanais. Donatienne est nantaise et écrivain. Le récit de leur amour s’articule en trois parties. A Nantes, Donatienne écrit le roman de Charbel et Kamila qui s’aiment dans un Beyrouth en guerre. Des passages du roman en cours d’écriture alternent avec le récit du séjour de Jad dans Nantes enneigé. En janvier, Jad est parti. Les attentats ont repris au Liban et Donatienne écrit la mort de Charbel, en écho, on le devine, à ses inquiétudes.

La deuxième partie se déroule au Liban et précède dans la chronologie la première. Là, ce sont les courriels de Jad qui rythment la narration. Jad regrette l’absence de Donatienne et se souvient des moments heureux qu’ils passèrent ensemble au Liban.

La troisième partie s’intitule « retours ». Donatienne, dans le sud de la France, est sans nouvelle de Jad. Le Liban est à nouveau en guerre. Jad est emprisonné. Après plusieurs mois d’attente, Jad et Donatienne se retrouvent.

On croise dans ce livre une foule de personnages, comme Welid qui compte les disparus, Mona qui rêve d’un corps parfait, Samir qui prédit la troisième guerre mondiale.  Et cette Kamila, devenue personnage de fiction sous la plume de Donatienne, promise à Jad par la mère de celui-ci, et qui mourra brutalement. On suit surtout les questionnements d’une Donatienne obsédée par des guerres qui ne sont pourtant pas les siennes. L’Allemagne, son père et ses aïeux plus lointains, le Liban, Chatila. Donatienne interroge. Jad refuse de répondre aux questions inlassables de sa compagne. « Je préfère me rappeler les rues de Nantes, le bateau sur la Loire, ton visage dans le vent » lui dit-il. Mais, pour Donatienne, la paix est impossible. Elle rend compte d’un monde toujours menacé, la même histoire se répète, hier et aujourd’hui, ici et ailleurs, au point que finissent par se confondre les protagonistes (Jad et son père notamment). Elle est la figure d’une femme qui a fait sienne les guerres des autres, comme si, fondamentalement, elle ne pouvait y être étrangère, comme si les morts, les saccages, étaient une part de ce qui la constitue.

Le livre de Cathie Barreau, porté par une très belle langue est dense et touche profondément.  

« Une fois de plus, il n’y a pas de récit, pense Donatienne. La guerre n’est pas un récit, c’est une impuissance à vivre, à parler, à écrire ».

 Frédérique Germanaud

 

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